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L'évêque des Cayes, Chibly Langlois, officiellement intronisé cardinal

Une revue historique de l’implantation du Catholicisme en Haiti

Traduction anglaise

Traduction créole

Haïti, second pays après les Etats-Unis à gagner son indépendance et ayant été à l’avant-garde des mouvements anticolonialistes et antiesclavagistes dans l’hémisphère occidental, est finalement représentée par son propre cardinal dans le consistoire du Vatican. Une importante délégation officielle dont le chef de l’Etat haïtien Michel Martelly, le président du sénat Simon Desras, des autorités de l’Eglise catholique, des politiciens, des proches et amis du nouveau cardinal ont assisté à cette intronisation ayant eu lieu le samedi 22 février 2014 au Vatican. Journée historique en soi, après environ 150 ans de la présence de l’Eglise catholique en Haiti. Cette nomination de l’Eminence Chibly Langlois a rendu très fiers les Haïtiens de partout, cette fierté s’étendant d’Haïti jusque dans la diaspora.

 

C’est alors une occasion pour nous de faire une revue historique de l’implantation du catholicisme en Haiti et de son cheminement ayant abouti au cardinalat de Chibbly Langlois.

 

Môle Saint Nicolas, carrefour historique de la « découverte » des Caraïbes le 5 décembre 1492 est le premier coin d’Haïti qui connut le signe du Chritianisme quand Christophe Colomb planta la croix, symbolisant ainsi l’introduction de la religion catholique romaine sur l’ile . Cette découverte marqua aussi le début de la colonisation de l'Amérique par les Européens, ce qui a fait de Colomb dans la foulée un acteur majeur des grandes découvertes des xve et xvie siècles et l’un des plus grands marins de tous les temps.

 

On peut donc écrire sans crainte de se tromper que l'ère du christianisme, la religion des disciples de Jésus-Christ, a fait son apparition en Haïti à la découverte de Christophe Colomb, le 6 décembre 1492, jour de la Saint-Nicolas quand il débarqua avec ses hommes pour la première fois dans l'île qu'il baptisa alors « Hispaniola » en raison de la ressemblance de certains paysages avec l'Espagne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Haiti, le concordat de 1860 fut ratifié par le président Fabre Nicolas Geffrard le 10 mai 1860 et le Sénat l'approuva le 1er août de la même année. Il ne fut toutefois pas applaudi ou accepté par tous les Haitiens, et pour cause.

 

Le concordat de 1860 resta pleinement en vigueur jusqu'en 1983, après que le président Jean-Claude Duvalier, recevant alors le Pape Jean-Paul II en Haiti, le 9 mars 1982, eut fait part de son intention de renoncer aux droits que lui confère le document de 1860 de nommer le évêques. Les articles 4 et 5 furent modifiés et le Protocole d'accord du 8 août 1984 vit alors le jour. Rappelons aussi qu’il y eut un accord signé entre le Saint Siège et le gouvernement de François Duvalier en 1966 après la réaction virulente du Vatican menaçant d’excommunication le dictateur haïtien, suite à l’expulsion de deux archevêques de Port-au-Prince : Mgr François Poirier, puis son successeur ad interim, le premier haïtien ordonné évêque, Mgr Rémy Augustin.

 

D’autres expulsions eurent lieu sous Duvalier, comme celle du directeur du Petit Séminaire Collège Saint Martial, Père Etienne Grienenberger, le 17 août 1959.

 

Organisation de l'Église en Haïti

L'Église catholique en Haïti est organisée, dès le 3 octobre 1861, par l'érection de l'archidiocèse de Port-au-Prince et des diocèses de Cap-Haïtien des Cayes, des Gonaïves et de Port-de-Paix qui tous dépendaient jusqu'alors de l'archidiocèse de Saint-Domingue, jusque-là le seul pour toute l'île d'Hispaniola.

 

Depuis 2008, l'église haïtienne comprend dix diocèses et deux provinces ecclésiastiques ayant respectivement pour sièges Port-au-Prince et Cap-Haïtien. Chacune de ces deux provinces a, à sa tête, un archevêque métropolitain qui est à la fois évêque de son propre diocèse mais également premier des évêques de la province, et à ce titre coordinateur du travail des évêques des diocèses suffragants (se dit des diocèses ou évêques diocésains dépendant d’un siège métropolitain).

 

L’Eglise et le gouvernement des Duvalier

Arrivé au pouvoir en 1957 à la suite des élections du 22 septembre, François Duvalier, dès les premières années de sa présidence, s'est heurté aux attaques et critiques de ces opposants. Parmi ceux-ci, les évêques catholiques et les supérieurs de certaines influentes et affluentes congrégations religieuses dont les Jésuites et les Spiritains.

 

La décapitation de l'Église due à l'exil forcé de la majorité des évêques fut la sévère réponse de Duvalier. Une réponse qui ternit les relations du gouvernement haitien avec le Saint Siège. En décembre 1965, Duvalier et le Saint Siège entamèrent des négociations en vue de la revigoration de L'Église catholique en Haiti. Le Concordat de 1860 resta en vigueur, mais un protocole fut signé le 15 août 1966 à Port-au-Prince, mettant virtuellement fin aux tensions des dernières années.

 

Duvalier avait cherché à conserver les rares avantages accordés au gouvernement haïtien par le concordat de 1860 dont la nomination des Evêques : Cinq Évêques haitiens furent nommés et le seul Évêque Haitien, alors en exil, fut autorisé à revenir en Haiti. Le Saint Siège obtint du gouvernement la promesse d'une "protection spéciale à la Religion Catholique, Apostolique Romaine ainsi qu'à tous ses ministres et la pleine liberté", le retrait de l'arrêté d'expulsion de Mgr. Poirier.

 

Baby Doc abandonne le privilège de nommer des évêques

Cependant en 1983, lors de la visite en Haïti du pape Jean-Paul II, Jean Claude Duvalier renonça à ce privilège qui fut obtenu par son père.Si cela ne fait aucune différence sur le plan ecclésiastique puisque la même politique d’indigénisation du clergé catholique était désormais admise partout dans le monde, par contre le gouvernement n’a plus la discrétion de nommer des évêques uniquement conformes à son credo politique comme l’avait voulu Papa Doc.

 

D’ailleurs l’Eglise catholique, y compris le haut clergé, jouera un rôle de premier plan dans le renversement de Baby Doc trois années plus tard, le 7 février 1986.

 

Les cardinaux dans le gouvernement de l’Église:

A l'origine, les cardinaux dans l'Église de Rome assumaient la responsabilité d'une paroisse (appelée titubura) et servaient, en quelque sorte, de pivot (du latin, cardo, cardinis = gond) à la vie de la communauté. Les cardinaux sont les premiers collaborateurs du pape. Depuis le XIIe siècle, certains sont choisis hors de Rome. C'est le cas de la majorité d'entre eux aujourd'hui, même s'ils sont tous rattachés à une église paroissiale de Rome.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les cardinaux sont constitués en collège cardinalice divisé en trois ordres décrit par le canon 350 : l’ordre épiscopal, l’ordre presbytéral et l’ordre diaconal. Le nom de ces ordres, tenant à l’histoire, n’est pas représentatif du type de sacrement d’ordination reçut par leur membre

 

:1. L’ordre épiscopal, composé de six cardinaux-évêques (dont le cardinal doyen et le vice-doyen, élus par leurs pairs ; canon 352), ils sont rattachés à un diocèse suburbicaire (Ostie, Velletri-Segni, Porto-Santa Rufina, Frascati, Palestrina, Albano, Sabina) dont ils n’exercent plus le pouvoir de juridiction.

 

2. L’ordre presbytéral, composé de cardinaux-prêtres, ils sont les plus nombreux, ils sont rattachés à une église de Rome et à son titre.

 

3. L’ordre diaconal, composé de cardinaux-diacres dont le cardinal proto-diacre, ils sont rattachés à une église diaconale. On retrouve dans cet ordre les membres exerçant une charge dans la curie ou dispensés de l’ordination diaconale.Rappelons que les cardinaux sont des évêques ou au moins des prêtres, librement choisis par le pape (canon 351.1), celui-ci les crée en publiant un décret devant le collège cardinalice (canon 351.2), l’élus devient de ce fait cardinal avec tous les droits et devoir qui sont rattachés à cette fonction, sauf s’il est créé in pectore (canon 351.3), dans ce cas, il faudra qu’il attende sa nomination publique.

 

Rôle du collège des cardinaux

Le canon 349 définit la fonction du collège cardinalice :

  • En cas de vacance du siège apostolique (sede vacante), le collège cardinalice assure l’intérim, c’est lui qui procède à l’élection du pape lors du conclave par les cardinaux électeurs (moins de 80 ans).

  • Le collège cardinalice sede plena est un organe de conseil au service du pape. Le canon 353.1 précise qu’il se réunit en consistoires de deux sortes : ordinaires ou extraordinaires : Le consistoire ordinaire : pour les affaires graves (mais communes) ou solennelles ; sont convoqués les cardinaux présents à Rome ; il peut-être publicLe consistoire extraordinaire : pour les « affaires de grandes importances » ; tous les cardinaux sont convoqués pour un consistoire extraordinaire (canon 353.3) ; en tant qu’organe de consultation il ne peut pas être public.

 

Fonctions individuelles des cardinaux

Individuellement, les cardinaux apportent leur concours au pape « dans le soin quotidien de l’Église tout entière » (canon 349). Il y a d’abord les cardinaux préfets de dicastères ou présidents d’autres institutions, la limite d’âge de leur fonction est de 75 ans (canon 354 ; constitution apostolique Pastor Bonus a. 5). D’autres cardinaux sont simplement membres de dicastères ils cessent leur fonctions à 80 ans (Pastor Bonus a. 3.1 ; 5.2). Tous ces cardinaux logent nécessairement à Rome, ont les appelle les « cardinaux de curie ». Il y a enfin les cardinaux chargés de missions spéciales par le pape qu’ils représentent. On les appelle « envoyé spécial » ou « légat a laetare ».

 

Conclusion

Qu’en est-il de l’articulation entre le collège cardinalice et le synode des évêques ? C’est le pape qui décide du choix de l’assemblée pour le traitement d’une question, choix qui peut d’abord être influé par un raison pratique : le collège cardinalice peut être convoqué plus rapidement et discrètement qu’un synode des évêques.

 

Les 150 années de présence des Frères de l'instruction chrétienne en Haïti

Il faut dire que l’Eglise catholique a exercé son influence en Haiti dans divers domaines en particulier l’éducation. Cette éducation est fournie par des religieux ou religieuses de divers ordres congréganistes. Selon des notes historiques en rapport avec le cheminement de l’Eglise catholique en Haiti, la présence par exemple des Frères de l’Instruction chrétienne a été un vecteur pendant environ 150 ans de cette éducation connue à travers des écoles privées réputées pour la qualité de la formation qu'elles transmettent. Et on ose dire même que des générations de jeunes ont en bénéficié grandement. C'était en 1864, peu après la signature du concordat, que débarquent les premiers religieux en Haïti. A ce moment-là, c'était des jeunes volontaires âgés pour certains entre 16 et 18 ans qui avaient décidé de quitter leur terre natale, la France, pour passer parfois deux à trois mois sur la mer à destination d'Haïti. Dépourvus de moyens de communication, séparés de leurs familles, ces jeunes partaient avec l'idée qu'ils s'en allaient pour la vie. Parfois, peu après leur arrivée en Haïti, ils mouraient de fièvre jaune, de manque de nourriture et de problème d'acclimatation. Les 150 années de travail de ces courageux éducateurs avaient contribué à l'éducation de plusieurs générations d'Haïtiens, au risque de nous répéter. « C'est un lourd héritage qu'il revient à nous autres Haïtiens de gérer. Nous avons pour responsabilité de maintenir la réputation de qualité que nous ont laissée les Frères  (FIC) en ce qui a trait à l'éducation transmise dans nos différents établissements scolaires ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous devons donc admettre que les frères de l’instruction chrétienne ont eu un bilan très positif en Haïti dans le domaine de l’éducation. « 150 années de présence et d'activités missionnaires qui ont contribué au développement de l'Église en Haïti, pour arriver à une Église qui, aujourd'hui, peut fonctionner par elle-même avec son cardinal à sa tête.

 

La nomination de Mgr Langlois au rang de Cardinal

Nous accueillons avec une très grande satisfaction la nomination par le Pape François de Monseigneur Chibly Longlois, Evêque des Cayes, au rang de Cardinal auprès du Saint Siège. C’est pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise d’Haïti et depuis le concordat signé en 1860 entre l’Etat d’Haïti et l’Eglise universelle, que nous avons le privilège de jouir d’un tel honneur. Il faut aussi noter que le Saint-Siège fut le premier Etat à reconnaitre l’Etat d’Haïti

 

L’élévation de Mgr Langlois au titre de Cardinal est accueillie comme une grâce pour Haïti à un moment où le Cardinal Nicolas Lopez Rodriguez de l’île Hispaniola en charge d’Haiti auprès du Saint-Siège représente le catalyseur d’une sentence frappant d’apatridie plus de 200 000 dominicains d’origine haïtienne, une mesure rejetée par toute la communauté internationale. Il n’y a pas de doute qu’Haiti trouvera maintenant un certain équilibre et un degré d’indépendance sur l’île au niveau des deux institutions religieuses catholiques romaines existant de chaque côté de la frontière.

 

Selon le père Hans Alexandre, secrétaire permanent de la conférence, interrogé par Radio Kiskeya à l’annonce de cette nouvelle qui hisse Mgr Langlois à cette haute fonction, Mgr Langlois « a été récompensé pour son engagement en faveur de la mission de l'église et de l'enseignement du catéchèse. »

 

D’autres observateurs estiment que la nomination du cardinal haïtien est d’abord un geste politique du Vatican comme pour manifester son appui au peuple haïtien face à la tendance xénophobe de la République Dominicaine à l’encontre des dominicains d’ascendance haïtienne. C'est peut-être aussi un choix stratégique d'un pape qui constate que le catholicisme perd de plus en plus son emprise sur Haïti au profit des autres mouvements religieux, plus jeunes, plus dynamiques.

 

Quid du clivage dans l’Eglise haitienne qui semble avoir existé après le départ de Baby Doc Duvalier ? Clivage qui a donné naissance à ce secteur de l’Eglise connu sous le nom de « Ti legliz », dont certains membres sont des adeptes bien connus de la théologie de la libération, une idéologie qui semble avoir perdu de ses plumes avec le passage des temps. Verra-t-on un rapprochement significatif entre ces derniers et le secteur dit traditionnel de l’Eglise que représente le nouveau cardinal ? Le dialogue politique « interhaitien » entrepris sous les auspices de Langlois, président de la Conférence épiscopale, a-t-il toutes les chances de réussir d’autant plus que la mouvance Lavalas a laissé la table du dialogue, une mouvance née précisément de Ti Legliz ?

 

Nous devons avec cette nomination, à notre avis, penser plus haut, plus fort. Avoir une raison d’espérer qu’Haïti, pays rabougri, meurtri, avili, est, et saura être la véritable lumière qui guidera les nations, comme quand elle s’était mise dans le temps aux côtés des nations qui combattaient pour la liberté. Souhaitons la bienvenue-- avec cette création de Langlois comme cardinal-- à une Eglise revenue au service de Rome et des fidèles haïtiens, à un nouvel horizon prometteur qui s’ouvre sous nos yeux.

 

En cette période difficile et agitée que traverse Haïti, le cardinalat de Monseigneur Langlois est peut-être une chance et un espoir pour notre pays tout comme l’élection récente de Dany Laferrière au sein des “Immortels” à l’Académie Française. Nous ne saurions ne pas manifester notre joie en laissant jaillir de notre âme un hymne de Magnificat pour saluer la mouvance de l’Esprit Saint qui a inspiré le Pape François à nommer au sein du Collège des Cardinaux un membre « natif natal » d’Haïti.

 

Par Hervé Gilbert herve.gilbert.gmail.com

Contributeur : Dr Carl Gilbert

 

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Concordats et protocoles d'accord avec le Saint-Siège

L'histoire du Concordat en Haïti remonte au gouvernement de Jean-Pierre-Boyer qui arriva au pouvoir le 29 mars 1818. Trois ans plus tard, il réalisa la réunification de l'île sans pourtant éliminer certaines questions épineuses liées à la culture et l'origine ethnique des deux peuples habitant l'île, tel que le Siège de l'archidiocèse de Santo Domingo dirigé par Mgr. Pedro Valera y Jiménez qui afficha son dégoût pour le nouveau régime haïtien, et refusa la demande de Boyer de transférer le siège de l'archidiocèse à Port-au-Prince, un refus qui lui valut l'exil. Les rapports du gouverment de Boyer avec la religion catholique d’alors demeura l'une de ces nombreuses épines qui devaient précipiter la fin de la présidence de Boyer en 1843.

Radio Haiti Connexion

Christophe Colomb implantant la Croix  sur l'Ile Hispaniola

Le pape émérite Benoit XVI en train de saluer le nouveau cardinal haïtien Chibly Langlois.

Mgr Langlois recevant son certificat de cardinalat du pape François.

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